Edouard Manet nait le 23 janvier 1832 a Paris. Son pere etait Chef du personnel au Ministere de la Justice, sa mere fille d'un agent diplomatique a Stockholm. Tres tot, sous l'impulsion de son oncle qui l'emmene dans les musees, Edouard Manet execute ses premiers dessins et realise de nombreuses copies.
Plutot que d'entreprendre des etudes de droit comme le souhaitait son pere, Manet s'inscrit au concours de l'Ecole Navale. Apres deux echecs, son pere consent enfin a ce qu'il se consacre a la peinture. Il entre alors a l'atelier Couture ou il restera six ans. Tres vite, Manet entre en conflit avec son maitre et critique la peinture d'histoire. Son pere le contraint cependant a rester dans l'atelier. Vers 24 ans Manet, grace a l'argent de son pere, voyage beaucoup et decouvre l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche et la Hollande. Il quitte definitivement l'atelier apres avoir montre a Couture un tableau qu'il vient de peindre Le Buveur d'absinthe et que Couture critique fortement.
Il commence alors a voir quelques unes de ses toiles exposees et frequente d'autres artistes - Baudelaire, Zola, le photographe Nadar, les peintres Fantin-Latour, Degas, Monet et Pissaro. En 1867, le refus des oeuvres de Manet a la section artistique de l'Exposition Universelle provoque un article passione de Zola dans le journal L'Evenement (aujourd'hui le Figaro).
La declaration de guerre a l'Allemagne survient en 1870, il s'engage dans la Garde Nationale et passe sous les ordres du Colonel Meissonier, peintre militaire, qui cherche toutes les occasions de le brimer. Apres la capitulation de Paris, Manet retourne a la peinture. Il vend de nombreuses toiles. Il peint alors Le Repos, le Chemin de Fer, l'Artiste (1873 a 1876). Il se heurte encore aux chantres de l'academisme et voit les portes des salons se fermer devant lui. Il commence a ressentir des douleurs aux jambes.
En 1881 il entreprend d'evoquer les saisons par des figures feminines et execute le Printemps. Sa sante ne s'ameliore pas. Il frequente les Folies-Bergere ouvertes en 1880 et y puise l'inspiration du Bar aux Folies-Bergere. Ces deux toiles (Le Printemps et le Bar) sont enfin presentees au Salon avec un grand succes.
Peu avant le 25 mars 1883, il peint encore des fleurs. Bientot il lui devient impossible de coordoner ses mouvements. La gangrene se declare dans la jambe gauche; il est ampute. Manet meurt le 30 avril.
La force de sa vocation et une volonte inebranlabre ont permis a Manet de surmonter l'incomprehension, la raillerie et l'hostilite rencontrees dans son mouvement de renouveau de la peinture.
Manet est arrive en pleine domination de l'academisme: un realisme minutieux qui donne l'illusion du reel au service d'un sujet anecdotique, qu'il soit historique, litteraire, religieux ou d'actualite. Ce realisme n'est pas un realisme visuel mais un realisme appris, principalement fonde sur une application scientifique et rigoureuse de la perspective et du modele tournant degrade. Pour Manet, la peinture n'est pas cela. Il sait qu'un tableau n'est pas la reproduction photographique d'une scene mais une realite plastique et que le tableau doit, autant que possible, restituer la sensation premiere eprouvee. Il est facile de comprendre que la peinture academique, par l'application systematique de la perspective et du modele et donc par l'utilisation de sources etrangeres a la sensation directe, ne peut satisfaire les objectifs de Manet.
Sa peinture tente de concilier une construction plastique, c'est a dire une impression artistique qui repose sur le dessin et les couleurs et l'equilibre entre ces elements, independante du sujet et le souci de preserver la fleur de la sensation. Pour conserver la premiere sensation percue, Manet a tendance a simplifier sa vision et a ne retenir qu'une image schematisee, ramenee a l'essentiel, c'est a dire a des oppositions simples d'ombres et de lumiere, ainsi qu'a des plans silhouettes en larges aplats de couleur franche a peine modulee.
Le Fifre realise en 1866 est un parfait exemple et l'un des chefs-d'oeuvre de Manet. Le modele est un petit musicien militaire amene a l'atelier par un ami commun de Manet et Baudelaire. Le contour brut qui arrete les formes sans definir les plans etablit un double rapport d'attraction entre la figure et le fond et entre la figure et le spectateur. L'usage de couleurs crues, le rouge du pantalon, le noir du gilet et la simplification du dessin et des volumes se detachant sur le fond qui ne retient que l'atmosphere de la scene, cree l'equilibre plastique de la toile et procure une presence vivante au personnage qui est celle de la sensation visuelle premiere eprouvee.
Le Bar aux Folies-Bergere est la derniere grande composition celebrant la vie contemporaine peinte par Manet. Sur le comptoir, une des plus belles natures mortes jamais peintes; derriere Suzon, la serveuse du bar, une grande glace ou elle se reflete ainsi que la foule des clients. Cette toile, par sa facture franche, son synthetisme schematique et la parfaite unite lumineuse est l'ultime affirmation des imperatifs de l'oeuvre de Manet.